Les personnes incarcérées sont dans une situation de dépendance vis-à-vis de l’administration pénitentiaire. Une telle situation les rend vulnérables. S’il est certain qu’elles sont condamnées à endurer la souffrance inhérente à leur détention, elles ne sont pas pour autant condamnées à subir des traitements inhumains et dégradants. Le principe de dignité fait l’objet d’une atteinte systématique malgré son caractère indérogeable.
En effet, les personnes détenues à la maison d’arrêt de Fleury Mérogis font l’objet de fouilles au corps. Quant à celles du centre pénitentiaire des Beaumettes à Marseille, elles sont confrontées à la prolifération des rats. La carence de prévention des risques d’incendies et le manque d’entretien des cellules et de couvertures propres représentent les conditions de détention à la maison d’arrêt de Nîmes. En outre, le contrôleur général des lieux de privation de liberté a récemment constaté la surpopulation carcérale dans la prison de Fresnes.
Selon le tableau statistique du ministère de la justice, les personnes écrouées détenues en France au 1er octobre 2017 sont au nombre de 68 574 pour un nombre de places limitées à 59 084. Le taux de densité selon cette même source est de 116,1 pour cent. La densité carcérale des autres Pays du conseil de l’Europe est de 102 pour cent .
A cet effet, les procédures de référé et de contrôle général des lieux de détention contribuent à sauvegarder la dignité des personnes détenues.
Les procédures de référé liberté et provision :
L’article L 521-2 du code de justice administrative permet au juge des référés en cas d’urgence, d’ordonner toute mesure nécessaire à la sauvegarde d’une liberté fondamentale à laquelle une personne morale de droit public ou un organisme de droit privé chargé de la gestion d’un service public aurait porté, dans l’exercice d’un de ses pouvoirs, une atteinte grave et manifestement illégale. Le juge des référés se prononce dans un délai de quarante-huit heures. Il lui appartient de prescrire toute mesure de nature à faire cesser la carence de l’autorité publique qui crée un danger caractérisé et imminent pour la vie des personnes ou les expose à être soumises, de manière caractérisée, à un traitement inhumain ou dégradant. Ainsi, dans son ordonnance du 22 décembre 2012, le juge des référés du Conseil d’État, saisi en appel par la section française de l’observatoire international des prisons, a enjoint à l’administration de permettre la dératisation et la désinsectisation des locaux du centre pénitentiaire des Beaumettes. Le référé-liberté a également permis dans une ordonnance du 6 décembre 2013 la suspension en urgence de l’exécution de certaines caractéristiques de régimes de fouilles des détenus jugées attentatoires à la dignité. Aussi, en 2015, le Conseil d’État a enjoint à l’administration de prendre des mesures pour garantir la sécurité et de meilleures conditions matérielles d’installations des personnes détenues de l’établissement pénitentiaire de Nîmes. Très récemment, le Conseil d’État a condamné la surpopulation carcérale. Il a jugé dans une décision remarquée du 13 janvier 2017 que l’atteinte à la dignité humaine est caractérisée lorsque la personne détenue ne bénéficie pas d’un espace individuel d’au moins trois mètres carrés. Il s’inscrit ainsi dans la lignée jurisprudentielle de la Cour européenne des droits de l’Homme. Par ailleurs, l’utilisation du référé-provision permet quant à lui d’indemniser avec célérité les personnes incarcérées. Ainsi au titre de l’article R.541-1 du code de justice administrative, le juge des référés peut, même en l’absence d’une demande au fond, accorder une provision au créancier qui l’a saisi lorsque l’existence de l’obligation n’est pas sérieusement contestable. Dans sa décision du 6 décembre 2013, le Conseil d’État a rejeté la requête de Monsieur M. tendant à la réévaluation du montant de la provision qui lui avait été accordé en raison du préjudice moral résultant de ses conditions indignes de détention.
L’office du contrôleur général des lieux de privation de liberté :
Le contrôleur général des lieux de privation de liberté contribue à sauvegarder la dignité des personnes détenues. Cette autorité administrative indépendante procède à des visites soit programmées, soit inopinées et le plus souvent guidées par les courriers de saisine sur l’ensemble du territoire français, dans tous les lieux où des personnes sont privées de liberté. A l’issue de ses visites, elle rend des avis, des recommandations et des rapports, qui sont publics. Ainsi pour lutter contre la surpopulation carcérale et prévenir toute atteinte à la dignité, elle propose dans son rapport annuel de 2016 une politique plus dynamique d’aménagement de peine et d’alternative à l’incarcération. En outre, elle propose un mécanisme de régularisation carcérale. Il s’agit en effet d’instaurer un dialogue entre l’administration pénitentiaire et l’institution judiciaire afin de coordonner le flux des incarcérations et celui de l’exécution des peines. Elle a plusieurs moyens d’actions. Elle choisit librement les établissements qu’elle entend visiter. Les autorités concernées ne peuvent en principe s’y opposer. Elle conserve toute latitude dans l’organisation de la visite, en s’y rendant à tout moment, s’entretenant confidentiellement avec toute personne, et en se faisant remettre toute information et pièce utile à l’exercice de sa mission. Lorsqu’il existe des faits laissant présumer l’existence d’une infraction pénale elle le porte à la connaissance du procureur de la République. Lorsque les faits sont de nature à entraîner des poursuites disciplinaires, elle en informe les autorités disciplinaires.
Les garanties qu’offrent ces autorités contre les atteintes à la dignité des personnes détenues ne doivent pas faire oublier l’obligation positive qu’a l’État d’en assurer l’effectivité. La Convention européenne des droits de l’Homme a pour but de protéger des droits non pas théoriques ou illusoires, mais concrets et effectifs.
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