Afin d’éviter le dépôt de demandes multiples d’asile, dans différents pays de l’Union Européenne, le Règlement (UE) N° 604/2013 du Parlement Européen et du Conseil appelé « Règlement Dublin III » prévoit qu’un seul État membre est responsable de l’examen d’une demande d’asile introduite dans l’un des États membres par un ressortissant de pays tiers.
Ce règlement prévoit la possibilité de transférer un demandeur d’asile vers un autre état membre dès lors que ce dernier apparaît comme responsable de l’examen de sa demande.
En France, la détermination de l’État responsable de l’examen d’une demande d’asile revient aux préfectures.
Elle s’effectue notamment à travers le fichier EURODAC, qui est une base de données dotée d’un système automatisé de reconnaissance d’empreintes digitales relevées dans un État membre.
Après la détermination de l’État responsable, ce dernier est saisi d’une demande de prise en charge ou de reprise en charge.
Pour les deux procédures (prise en charge et reprise en charge), l’État demandeur aura un délai de 6 mois, à compter de la date de notification de la réponse de l’État responsable, ou à défaut de réponse explicite, à compter de l’expiration du délai imparti, pour réaliser le transfert.
Ce délai de 6 mois peut être prolongé de 12 mois supplémentaires en cas de « fuite du demandeur d’asile ».
Le non-respect de ce délai conduit à ce que la responsabilité de l’examen incombe à l’État demandeur.
Après Dublin I, Dublin II, et Dublin III, voici une nouvelle loi d’application qui arrive, où s’arrêtera-t-on ?
C’est la dure loi du droit des étrangers ! Une loi est édictée, l’Administration la viole, les avocats attaquent, parfois gagnent ; et ensuite le gouvernement prend une nouvelle loi permettant de rendre légales les violations d’hier.
Cette proposition de loi dite « proposition de loi permettant une bonne application du régime d’asile européen » vise à mettre en œuvre en droit national, les mesures les plus restrictives du règlement européen en matière de libertés individuelles et de droits fondamentaux des demandeurs d’asile Dublinés.
En effet, elle prévoit la possibilité de recourir au placement en rétention administrative de « l’étranger faisant l’objet d’une requête aux fins de prise en charge ou de reprises en charge ». Autrement dit, au début même de la procédure, avant toute décision d’éloignement. Alors que cette mesure n’était jusqu’à maintenant possible qu’après la notification de l’arrêté de transfert.
Elle vient en réponse à deux décisions de justice qui restreignent la possibilité de recourir au placement en rétention administrative des demandeurs d’asile placés sous procédure Dublin dans le cadre de l’exécution de leur transfert vers le pays responsable de l’examen de leur demande d’asile.
La Cour de justice de l’Union européenne (CJUE) a estimé dans un arrêt AL Chodor du 15 mars 2017, que les dispositions du « Règlement Dublin III » qui autorisent le placement en rétention, n’étaient pas applicables à défaut de mesures d’application par les États membres.
Les dispositions de ce règlement précisent que le placement en rétention est possible « lorsqu’il existerait un risque non négligeable de fuite de l’intéressé ».
Ce risque est défini comme « l’existence de raisons fondées sur des critères objectifs définis par la loi, de craindre la fuite du demandeur ».
Cette décision a été confirmée par la Cour de cassation dans son arrêt du 27 septembre 2017.
Ainsi, elle prévoit dix critères objectifs selon lesquels le risque non négligeable de fuite peut, sauf circonstance particulière, être regardé comme établi.
Ces critères semblent malheureusement constituer une riposte contre les annulations d’arrêtés préfectoraux de transfert jugés illégaux !
Le risque non négligeable de fuite pourra donc dorénavant être considéré comme établi :
Lorsqu’un étranger se serait précédemment soustrait, dans un autre État membre, à la détermination de l’État responsable de l’examen de sa demande d’asile ou à l’exécution d’une décision de transfert. Ou quand un demandeur aurait été débouté de sa demande d’asile dans un autre État de l’espace européen.
Envers l’étranger qui est de nouveau présent sur le territoire français après l’exécution effective d’une décision de transfert, ou celui qui se serait soustrait à l’exécution d’une mesure d’éloignement, mais également celui qui aurait falsifié ses documents d’identité aux fins de se maintenir sur le territoire français.
Le risque de fuite sera retenu contre l’étranger qui refusera l’hébergement proposé par l’administration (OFII), ou celui qui ne bénéficie pas des conditions matérielles d’accueil et qui ne pourra justifier du lieu de sa résidence effective ou permanente.
Le risque non négligeable de fuite pourra être aussi considéré comme établi, si l’étranger a explicitement déclaré son intention de ne pas se conformer à la procédure de détermination de l’État responsable de l’examen de sa demande d’asile ou à la procédure de transfert, ou s’il ne se présente pas aux convocations de l’administration, ne répond pas aux demandes d’information et ne se rend pas aux entretiens sans motif légitime.
La finalité de cette proposition de loi est donc clairement d’augmenter le nombre de transferts au travers de la substitution de principe de l’assignation à résidence par le régime de la rétention administrative ; alors même que cette dernière devrait être l’exception.
S’il l’on ne peut toucher à l’asile politique car il s’agit d’une convention internationale, il est certain que beaucoup d’efforts sont concentrés actuellement pour rendre de plus en plus difficile la possibilité même de le demander !
Sources : Village-justice
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